La médiation patrimoniale, une aide pour régler successions et divorces

Article paru dans le n°1155 du Particulier, rédigé par Frédérique Schmidiger.

La médiation, souvent associée aux conflits sur la résidence des enfants, peut aussi porter sur des enjeux patrimoniaux, comme le partage des biens au sein d’un couple ou entre des héritiers. En soldant les rancœurs anciennes, masquées derrière le sujet financier, elle ouvre la voie à un accord.

Les conflits patrimoniaux et, particulièrement, successoraux, sont nombreux. Une famille sur cinq connaîtrait de réelles mésententes au décès des parents. Contestation de testament, partage impossible des biens, désaccord sur leur évaluation ou leur sort (faut-il les vendre ou les conserver ?)… Les sujets de friction ne manquent pas. Lors des séparations de couples, les rancunes passées et les non-dits interfèrent aussi dans le partage du patrimoine commun.

Prendre en charge l’affect:

Si les familles ou les couples ne parviennent pas à se mettre d’accord, après avoir tenté une conciliation chez le notaire, ils se tournent en général vers la voie judiciaire. C’est en pleine procédure que nous les rencontrons le plus souvent. Ils auraient pourtant tout à gagner à recourir à la médiation en amont pour tenter de régler des conflits qui relèvent bien davantage des rapports humains que du droit. D’autant que la réponse apportée par le juge, loin de résoudre leur conflit,
suscite souvent déception et amertume. Les protagonistes se sentent floués par une justice qui ne les a pas compris. Notaires et avocats, démunis face aux positions irréconciliables de leurs clients, pourraient leur suggérer le recours à la médiation. Sans trop tarder, car héritiers ou couples hésitent souvent à se lancer dans cette démarche s’ils ont tenté en vain à plusieurs reprises de négocier en présence de leurs avocats ou de leur notaire. Ces échecs sont pour eux la preuve qu’aucun terrain d’entente ne peut être trouvé. La médiation, assimilée à tort à de la conciliation ou de la négociation, suit en réalité une démarche bien différente. C’est la dimension affective, à la source des conflits familiaux, que le médiateur familial propose de prendre en charge.

Faire émerger des solutions uniques:

L’objet de la médiation est de tenter de dénouer en famille les blocages qui font obstacle au règlement des successions ou des divorces. Il s’agit parfois de simplement rétablir le dia­logue. Deux frères, rencontrés à l’occasion d’une permanence d’infor­mation à la médiation organisée par le juge, ne se parlaient ainsi plus depuis 2 ans. L’un d’eux s’était donc résolu à saisir la justice pour mettre fin à l’indivision sur les biens dont ils avaient hérité. La médiation leur a permis d’échanger des propos sur la raison de ce silence, finalement davantage dû à une mauvaise communication qu’à un véritable désaccord. Ils sont enfin parvenus à faire les efforts nécessaires pour ­partager leurs biens.
Les médiations se déroulent dans les locaux du médiateur, un lieu neutre et sûr. Il faut compter de 3 à 5 séances selon les cas, à raison de 2 à 3 heures par séance, selon le nombre de personnes impliquées. La première séance permet de revenir sur l’histoire familiale et les racines du conflit. La présence du médiateur, tiers neutre et impartial, modifie l’équilibre existant. À travers les réponses apportées aux questions posées par le médiateur, chacun peut exprimer sa douleur, ses difficultés…
Le médiateur reformule leur propos afin d’être compris par tous. Il est, à cette occasion, un soutien pour chacun, un appui. Ce temps de parole et d’écoute facilite l’émergence de solutions sur mesure.
En voici quelques exemples.

Corriger la volonté, mal interprétée, du défunt

Pierre est en procès avec ses deux frères et ses deux sœurs depuis le décès de sa mère. Celle-ci avait rédigé un testament en 1982, dans lequel elle précisait vouloir partager ses biens entre ses enfants dans la plus stricte égalité. Testament lu aux enfants. Mais à la stupeur générale, le notaire, lors de sa succession, révèle que leur mère avait établi un second testament en 2012, quelques mois avant son décès, et qu’elle lègue la maison de famille, unique bien immobilier de la succession, à sa fille Eugénie. Les autres enfants ne sont pas déshérités pour autant, mais ils ne reçoivent que de l’argent – sans valeur affective –, et leur part est un peu moins importante que celle d’Eugénie. Les tensions fraternelles ressurgissent. Je demande à Pierre si ce testament inégalitaire est une réelle surprise. Il m’avoue avec pudeur que les inégalités et injustices ont toujours été courantes chez ses parents. Sa mère a toujours ouvertement dit préférer ses filles, qu’elle a gâtées de son vivant. Le fait de favoriser à son décès Eugénie a été interprété par ses autres enfants comme la volonté de lui témoigner un attachement parti­culier. Ce choix bouscule, peine, crispe, et vient alimenter le sentiment ancien d’injustice. Au cours de la médiation, chacun exprime ses sentiments. Eugénie comprend le ressentiment de ses frères et sœurs et accepte de faire un geste lors du partage des meubles de famille. Chacun reçoit ainsi un souvenir familial.

Échapper à une rancœur douloureuse

Le sentiment d’injustice, réelle ou ressentie, est au cœur des conflits familiaux, notamment dans les familles recomposées, lorsque les enfants n’ont pas grandi ensemble. Deux frères, nés de deux mariages successifs de leur père, ont bénéficié, de son vivant, de donations régulières. L’un a reçu de l’argent pour l’aider au quotidien. L’autre a obtenu des biens immobiliers et a participé à des investissements fructueux. Au décès du père, il ne reste plus que des comptes bancaires dont sa dernière épouse a la jouissance. Le premier fils, sans revenu, conteste la succession, bloquée depuis plusieurs années chez le notaire. Il trouve injuste que son cadet jouisse d’un beau patrimoine donné par son père. Je les invite à faire le compte de ce que chacun a reçu. L’aîné comprend alors qu’il a recueilli plus que son frère et prend conscience qu’il n’est pas légitime de contester la succession. Son cadet découvre que son frère est dans le besoin. Ils cherchent ensemble une solution pour l’aider. Son petit frère est prêt à lui verser de l’argent de manière régulière et à lui laisser des meubles de famille. Il ne reste plus qu’à solliciter l’expertise du notaire qui règle la succession pour intégrer l’arrangement trouvé dans l’acte de partage.

Solder les comptes pour se reconstruire

Des conflits patrimoniaux parfois très durs apparaissent aussi à la suite d’une séparation ou d’un divorce, lorsqu’il faut partager les biens et faire les comptes. Ceux de la vie commune, mais aussi ceux de la séparation.
C’est le cas de ce couple rencontré en médiation. À la suite de leur séparation, madame est restée dans la grande maison familiale, achetée à deux, dans laquelle elle a continué à vivre confortablement avec les enfants, leur offrant ainsi un cadre de vie stable. Mais cela a un prix. Au moment de la liquidation et du partage de leurs biens, madame doit régler à monsieur l’équivalent d’un loyer mensuel pour avoir joui des lieux. Ce loyer lui semble cher, et d’autant plus injuste que leur séparation a été imposée par monsieur, parti du jour au lendemain. Cette nouvelle vie, qu’elle n’a pas choisie, elle doit en payer le prix fort, personnellement et financièrement. Monsieur, lui, qui règle l’ensemble de l’emprunt en plus de la pension alimentaire des enfants, se sent « pris à la gorge » financièrement. Il vit dans un petit appartement, faute de pouvoir régler un loyer plus élevé, et souffre de ne pouvoir accueillir décemment ses enfants. Nous les suivons en médiation, avec comme principal objectif de discuter du sort de cette maison. Monsieur souhaite la vendre au plus vite pour disposer d’argent et se racheter un vrai logement. Madame est réticente. Vendre signifie changer de lieu de vie, quitter cette grande maison pour un logement plus petit. La situation est bloquée depuis plusieurs années. Les entretiens permettent à chacun de revenir comme ils le souhaitent sur leur rupture, sur laquelle ils n’ont jamais eu de réelle discussion. Ils croisent leurs points de vue, divergents, mais légitimes. Monsieur, en partant, a voulu retrouver sa liberté, qui passe par le fait de retrouver la disposition de l’argent investi dans la maison. Pour madame, la vente de cette maison signifie la fin de leur vie de famille. Elle redoute de ne pas parvenir à se reloger correctement et de déstabiliser ses enfants, mis à rude épreuve par cette séparation. La médiation permet à chacun de cheminer pour prendre la décision commune de vendre la maison, décider comment répartir le prix de vente et solder les comptes liés à l’occupation du bien par madame.
Monsieur, une fois l’accord sur la vente trouvé, est soulagé d’avoir enfin des perspectives. Nous évaluons ensemble les besoins financiers de madame pour en tenir compte dans la répartition du prix de vente. Une solution acceptable pour chacun, qui a nécessité des efforts importants de part et d’autre, mais qui apaise leurs rapports.

Cabinet Mediaccord®

caroline maurel & Pauline gorioux-de la motte rouge

Médiateurs D.E. spécialisées en famille, patrimoine & succession

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